La parenthèse du mimosa

 

Si simple de voir les choses ainsi! Mais la vie n'est jamais simple. Passé et souvenirs se rattachent souvent plus au manque, au vide, au plus rien, qu'au plein. Ils ont été un temps réalité (sauf à être issus d'un rêve transformé, ce qui arrive parfois), ont marqué l'esprit plus ou moins, ont eu leur aboutissement. Lequel ? Qu'importe, pourvu que ce soit quelque chose ou quelqu'un.

Nostalgie, regret, perte, renoncement, incompréhension, abandon, ... sont autant d'aléas qui ont pu jalonner le chemin et que l'on se remémore ensuite en tentant de les oublier. Ils sont comme un vieux film que l'on se repasse sans cesse, à l'user à force de le regarder, à le rendre fragile, moins net, en pointillés, voire craquelé, mais qui nous habite et que l'on sauvegarde malgré tout. 

Ce sont comme de vieux clichés un peu jaunis que l'on ressort de temps à autre, souvenirs d'un passé qui s'accroche à la mémoire, s'entête à ne pas se dissoudre, même dans l'alcool.

Sous cet aspect, se retrouvent d'une part ceux et celles en quête de ce qu'ils recherchent et qui leur manque, mais les poussent à agir ; d'autre part ceux et celles que l'acceptation du manque amène au renoncement, à l'aveuglement, à la résignation. Ici, face à nous, les deux se confrontent.

Comme vous pouvez ainsi l'imaginer, cette pièce au texte dense et fort, aux mots justes, doux ou violents, interprétée avec brio par deux acteurs, l'un confirmé et l'autre novice, dans un tandem où l'affection, le respect, l'admiration, générés par plus de deux mois de travail en commun sont palpables, est surtout une pièce du ressenti, du sentiment et de l'attachement.

 

On s'attache, à cet homme noyé dans l'alcool (ou presque!), dans ses regrets d'une Afrique perdue, celle où il a vécu, aimé, construit puis qu'il a fuie, pour se retrouver en tenancier du Mimosa, toujours sur la défensive mais surtout désespéré et malheureux ; à cette jeune femme de noir et de rouge vêtue, inquisitrice, souvent narquoise mais également tendre, chez qui le ressentiment s'étale à fleur de peau, qui n'ose pas dire, lance des mots, attend, revient appareil photo en mains, comme un filtre entre elle et lui.

Vous l'aurez compris, ce bijou théâtral a été conçu comme une œuvre "cinématographique", par le metteur en scène David Teysseyre, sur fond de musiques africaines et jazzy orchestrées par Benjamin Civil, avec mise en lumière et clair-obscur gérés par Vincent Lemoine.

 

Ce n'est pas à du théâtre que l'on assiste mais plutôt à la projection d'un vieux film de Méliès en noir et blanc ou sépia, sur lequel on a rajouté une couleur primaire, le rouge en l'occurrence, façon bichromie... Le projecteur hésite, patine, crachote... Notre regard tourne autour des 2 personnages par un jeu du décor ...

 

C'est touchant et prenant à la fois ; un moment à part, comme une parenthèse en un espace temps et un lieu minuscules, qui s'ouvre devant nous et se referme trop vite ... 

 

À se demander si l'on était bien là ...

La parenthèse du mimosa

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