Michel Berger • Double Je

Aller au théâtre comme on entre en religion, est-ce possible ? Une minute de silence, une bougie allumée, le recueillement, ressentir une présence irréelle, quasi mystique...

Avec Joshua Lawrence, oui. Avec lui, nous pénétrons dans 'le paradis blanc' de Michel Berger, l'univers des anges, malgré tout le noir qui nous entoure. Nous y retrouvons Daniel Balavoine un court instant, le temps d'une chanson ; je perçois entre les deux disparus plus qu'une simple amitié ... Leurs âmes semblent entourer le chanteur, qui n'est pas comédien puisqu'il n'y a pas de jeu, tel un nuage, une brume ...

Comment, simple spectatrice de cette idylle (je pourrais presque dire simple mortelle), m'intégrer dans ce couple fusionnel ? Et d'ailleurs est-ce possible ?  Il me faut bien pourtant trouver ma place, pour simplement participer un peu ... Le théâtre, le monde du spectacle, sont bien faits pour cela, non ?

Peut-être alors en chantant, et en frappant des mains ... L'absence physique, la communion de Joshua avec des êtres du néant, ce vibrant hommage rendu à Michel Berger en un 'double je', rend à peine perceptible ma participation. Il me faut bien le reconnaître, je suis une simple spectatrice, je ne peux qu'assister.

J'écoute alors venir à moi la philosophie de l'artiste : la créativité, l'amour ou plutôt les amours (Véronique Sanson, 'France'), la poésie, la musique,  les chansons écrites qu'il interprétait et qui parlaient pour lui (quid de celles écrites pour d'autres, hormis France Gall ?) ... 

Un peu de sa vie se déroule, essentiellement en chansons, quelquefois avec la participation du public. Je m'aperçois que je les connais toutes mais qu'en même temps, je n'en connais pas les paroles, seulement quelques mots. Je n'avais jamais relevé à quel point elles étaient belles et poétiques.

D'aucuns peuvent s'interroger sur l'absence de jeu, voire de structure, de plan ... en trois mots de mise en scène. Est-ce un obstacle ?  Manque-t-il de théâtralité ? Peut-être faudrait-il juste ôter cette apparence de givre qui semble entourer l'interprète, l'inciter à sortir de sa réserve, pour qu'il impose sa douce présence.

Car un spectacle doit-il être parfaitement structuré pour être  apprécié ?  Il me semble bon parfois de sortir du cadre, de pouvoir absorber une bouffée d'oxygène, respirer un peu de douceur, de sensibilité et de délicatesse ...

Et si ce n'est pas du théâtre, qu'importe en fait ? Pourvu que ce soit un moment de plaisir.

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