21 Juin 2022
FRANCE •
Faits et paroles repris, revus par l’analyse après présentation de la pièce au public et à la presse ce dimanche 20 juin, au Théâtre Les Lucioles, il s’avère qu’il y a beaucoup de psychologie dans le texte de Carlotta Clerici, ‘Ce qui reste d’un amour’, tout juste paru aux Editions Les Cygnes et mis en scène par l'auteure, en vue du Festival Off prochain.
S’y révèlent beaucoup d'interrogations aussi : qu'est ce qui peut bien faire qu'un amour perdure ou s'amenuise, voire s'efface, disparaisse, au fil du temps ? À quoi tient l'équilibre du couple ? Qu’advient-il du sentiment amoureux quand les deux parties prenantes ne s'y retrouvent plus ? ... Et une tonne de sentiments, de la passion même, dans cet échange entre deux anciens amants.
En fait, se concentrent ici toutes les interrogations liées à la constance et à l'inconstance de l'amour, l'une ou l'autre, ou les deux à la fois, à sa compatibilité avec la (sur)vie d’un couple.
Car si l'être humain était simple, ça se saurait depuis longtemps. Or depuis la nuit des temps, depuis son origine, il est connu pour sa complexité, les méandres de son esprit et ... son inconstance. Inconstance déjà à perdurer puisqu'après quelques décennies plus ou moins de vie sur terre, l’Homme est forcément amené à la quitter, sa destinée par nature n'étant pas d'y rester.
Ainsi naît il déjà condamné à en repartir, tel un nomade qu’il est de toute façon depuis qu’il existe sur terre.
Pas très confortable, penserez-vous.
De là à dire que ce schéma doive se reproduire notre vie durant et dans chacune de ses nuances, je n'irai pas jusqu'à le croire, mais à le penser, pourquoi pas ? Notre point d’orgue peut-il être l'éphémère ? Comment faire alors avec ce besoin de créer les liens, de s’attacher, s'enraciner, vouloir à tout prix s'installer dans les lieux et le temps jusqu'à s'ancrer dans l'avenir ? Pourquoi chercher sans cesse partout la constance, quand elle ne fait pas partie de ses fondamentaux ? La vraie question est là, la dualité en l'Homme également, sa recherche d'un ou d'un(e) partenaire idéal(e) le ramenant sans cesse au souvenir de la mère.
Évidemment, les notions changent, évoluent par périodes, selon les types de sociétés. La nôtre, l'actuelle, tend aujourd'hui à vouloir se rapprocher de celle susceptible de mieux lui ressembler fondamentalement, à rejoindre plus sa véritable nature que les principes acquis, dans ce qui transparait avec une connotation d’instabilité alors qu’il n’en est rien.
Cette belle pièce et le jeu des comédiens, dans leurs forces et leurs faiblesses, met en évidence tout cela à la fois : les ancrages ou les tentatives, les départs, les allers, les retours, … ce sont bien là des signes de vie tout simplement, aussi déroutants qu’ils puissent paraître.
La vie ancrée est confortable, celle qui va et vient d’un inconfort évident, psychologiquement parlant. Cela ne veut pas dire qu'elle n'est pas normale. Vivre c'est choisir l'un ou l'autre, parfois l'un et l'autre ; bien vivre n'est pas forcément choisir le plus simple, le plus évident, le plus ‘cosy’.
Réfléchissons à cela avec ce drame psychologique qui pourrait être vu sous l'angle de la comédie sentimentale voire du Marivaux si nos esprits acceptaient de considérer l'inconstance et le changement plus aisément et plus positivement, de l'accepter comme une richesse plutôt qu'un errement.
Les deux personnalités des comédiens semblent transparaître dans les échanges qui rythment la pièce, dont un premier temps se passe un an avant le second et un an après la séparation ; le premier acte dans l'appartement d’Hugo (Thomas le Douarec) où vient le retrouver Alice (Caroline Devismes), le second chez elle, dans sa maison, où à son tour, un an après, il vient sonner.
Ce sont les nuits que les souvenirs résonnent et que les attachements se manifestent souvent le plus vivement, se rappellent le plus à nous, remontent plus ou moins soudainement à la surface dans un élan, un sursaut d’énergie, de doute, de désespoir …
Inexorablement, il semble ici que toujours le fil reste tendu même s’il parait plus ou moins invisible par moments, selon le degré de ‘l'occupation’ (cf Annie Ernaux, la très belle pièce au titre homonyme, jouée par Romane Bohringer, durant ce Festival Off au Théâtre des Halles). Et si certains, certaines disent parvenir à le couper, peut-on alors se demander s’ils ont véritablement aimé ?
Jamais on ne se quitte quand on s’aime, on se sépare seulement, quitte à suivre ce fil d’Ariane de temps en temps.
Ainsi en est-il de l’histoire belle et touchante, d’Alice et de Hugo. Puisse t’elle durer ainsi longtemps.
Cath - L' Art de Cath
Lumières : Stéphane Balny - Musique : Valérian Behar-Bonnet
Décor : David Lionne & Jérôme Lebertre