24 Avril 2022
FRANCE •
Pourquoi ces 2 mots s’imposent-ils à mon esprit ? Parce que mettre en scène Auschwitz et l’extermination voulue d’un peuple par des extrémistes nazis, cet endroit que l’on n’ose nommer (ce qui est justement le sens du mot Yeddish ‘Pitchipoï’), et porter la pièce au catalogue du Off en pleine effervescence du festival estival, à l’intention de vacanciers en général plus friands de comédies légères que de tragédies, je trouve cela osé (et j’admire)!
Souhaitons que les producteurs qui se déplaceront sur ce grand marché du théâtre, sans doute plus visés encore, soient conquis au moins autant que je le fus.
Malgré les faits, dans cette pièce qui exige beaucoup, à l’architecture très étudiée, sont distillés des éléments de fantaisie qui l’allègent et laissent souffler ; pour cela, projections, musiques et mouvements d’expression corporelle sont largement et judicieusement utilisés.
Je sais le lien d’attention à l’autre qui existe entre Fabienne Babe et Jacky Katu. Je sais aussi l’exigence qui doit exister entre le metteur en scène et l’actrice pour parvenir à exprimer, extraire de la pièce tout ce qu’elle peut donner, afin que le public soit capté dès les premières secondes, dès l’entrée en scène. Pour que l’émotion saisisse, il faut qu’elle soit palpable, intense et vive, dans un sujet comme celui-ci plus encore. Un défi, une gageure pour eux ; une expérience unique pour le spectateur qui revient rarement 2 fois. Une plongée en eaux troubles dans les profondeurs de l’Histoire, unique je l'espère également malgré la répétition, les horreurs continues de la guerre.
Aussi, de tels livres doivent-ils être écrits, de telles pièces doivent-elles être montées et jouées. Un grand merci aux auteurs et interprètes pour cela et pour tout ce qu’ils nous apportent. Merci pour ce spectaculaire travail de mémoire. Je n’ai pas lu le livre de Ruth Klüger ‘Refus de témoigner’ dont est tiré ‘Pitchipoï’. C’est pourtant bien du témoignage d’une petit-fille de 11 ans dont il s’agit et qui est repris ici, au théâtre...
Il y a Auschwitz, il y a aussi l’avant et l’après, vus par cette enfant accompagnée de sa mère, sorties de cet enfer sans le père, réfugiées aux Etats-Unis. Il y a ce monde de femmes, hormis une poignée d’hommes qui y exercent leur force. Il y a plus que tout de perceptible, par le jeu de la comédienne pour qui j’éprouve beaucoup d'admiration, la force, la volonté et l’énergie, l’instinct de survie qui dominent, au travers des mots, de la mise en images des sentiments, du ressenti de l’enfant, par des coupures durant lesquelles s’expriment en parallèle projections, musiques et gestuelles.
Des gestuelles désincarnées, saccadées, hachées, quasi mécaniques, en adéquation avec le monde déshumanisé qui est représenté … Les lumières s'éteignent et se rallument... Je perçois ou ressens en ces instants les expressions de la colère, de la peur, des angoisses et des détresses, de la force de caractère et de la fierté aussi parfois, de l’étonnement … jamais de la soumission, de l’abandon. L’enfant grandit vite, trop vite dans de tels moments …
Attachée de presse : Dominique LHOTTE
DIFFUSION 24 AVRIL 2022