La vie rêvée d'Olga Ivanovna d'après une nouvelle d'Anton Tchekhov, 'Tête à l'évent'.
Année 2022 : la Russie se rappelle à nous sous son côté le plus sombre, le plus guerrier, en déclenchant la guerre contre l'Ukraine.
Dans le cadre du Festival Off d'Avignon, même si compagnies et acteurs d'origines russophones se sont manifestés de ce fait cette année surtout par leur absence, Anne Marlange, metteur en scène et comédienne, était bien présente au Théâtre de la Porte St Michel pour nous présenter cette œuvre du célèbre dramaturge russe, Anton Tchekhov.
Anton Tchekhov, qui ne le connaît pas ? Parmi les pièces de théâtre qu'il écrivit, 'La Mouette', 'Oncle Vania', 'Les Trois Sœurs' ou bien encore 'La Cerisaie' comptent parmi les plus célèbres.
Prolifique en écriture, son œuvre particulièrement dense comprend aussi des recueils, des contes et des nouvelles.
Anne Marlange a tenu à faire une adaptation au plus près du texte intégral de celle écrite et parue en même temps que 'Le Moine noir' entre 1892 et 1894 : 'La Tête à l'évent', étonnamment proposée parfois sous d'autres titres ('La Sauterelle', 'La Cigale', La Sauteuse' ... ). Alors que la première est une nouvelle fantastique, la seconde, est un récit réaliste dont Sofia Kouvchinnikova, peintre russe du XIXème siècle, fut l'inspiratrice.
Moins connu que d'autres, l'ouvrage global compte 'parmi les œuvres les plus riches et les plus subtiles de Tchekhov'.
Le moine noir. Tête à l'évent.
Tchekhov, Anton Pavlovitch (1860-1904). Auteur
Golschmann, Léon (1861-1926). Traducteur
Jaubert, Ernest (1856-1942). Traducteur
Chepiga, Valentina (1979-....). Traducteur
Édité par Macha publishing - 2019
'Tchekhov' pour simplifier, fut un 'reporter' et 'peintre' des paysages, des mœurs de la société russe et de ses acteurs, images recueillies visuellement sur place puis mises en textes sous forme de nouvelles ou de pièces de théâtre.
De la littérature à l'état pur, à la manière de nos auteurs réalistes de la même époque (fin XIXème, tout début du XXème siècle). Nulle fantaisie dans ses récits, nul comique comme il put le pratiquer en un temps, mais des états des lieux partiaux, sans jugement (généralement le milieu paysan au cœur de la Russie ou la petite et moyenne bourgeoisie des petites villes provinciales), des vies, des personnes, autant de témoignages apportés par ces acteurs, rapportés par l’auteur, qui font de son œuvre une somme de connaissances incroyable sur ce monde qui fut le sien.
Ses récits abordent souvent les rapports au bien et au mal, traitent aussi de la médiocrité des esprits populaires, égratignent et dénoncent en même temps l'immobilisme des conventions sociales.
En règle générale, ils s'arrêtent sans dénouement précis, comme 'dans un long et profond soupir'. 'La Tête à l'évent' n'échappe pas à cet état des lieux.
'Tchekhov', le rapporteur d'un pays qu'il aimait tel qu'il le découvrait dans ses fréquents déplacements et voyages. Pas de politique, pas de parti pris, hormis celui du peuple qu'il est alors amené à rencontrer et à soigner, puisqu'il est médecin, comme l'est dans sa nouvelle l'époux d'Olga Ivanovna (prénom également de sa femme), bien qu'il ait pu vivre les prémices de la très proche révolution qui amènera la fin du tsarisme et l'arrivée des bolcheviques en 1917, période qu'il ne connaîtra pas puisqu'il mourra de la tuberculose en 1904.
'La vie rêvée d'Olga Ivanovna', est à l'image d'une Emma Bovary ou d'un Rastignac : c'est la vie d'une femme, belle, mariée à un futur médecin, comblée autant qu'elle peut l'être pour en tirer un certain bonheur, matériellement et socialement. Malheureusement, inconsciente de tout ceci, le présent lui échappe ...
Sans doute au final pouvons-nous penser que le personnage principal de cette nouvelle est l’auteur lui-même, tel qu'il a pu se représenter en Dima, l'époux médecin, non pas cette Olga Ivanovna somme toute pas très intéressante malgré ses attraits et ses atouts.
Avec en clé de voute l'amour, et en point d'orgue le risque suprême : celui de passer à côté de celui avec un grand 'A' à cause de vanité, d'aveuglement, de mauvais choix ...
On pourrait reprocher à la mise en scène d'Anne Marlange de reprendre trop fidèlement ces aspects classiques et littéraires pour le décor, les costumes ... d'avoir voulu conserver scrupuleusement le texte tel qu'il fut écrit, hormis un passage descriptif qui aurait allongé et alourdi inutilement la pièce ; je ne le ferai pas. Car c'est ainsi 'tout Tchekhov' que nous retrouvons. Même s'il n'est plus là pour contester des choix audacieux qui auraient pu être faits et lui déplaire, celui fait par notre comédienne et interprète peut tout à fait se justifier.
Olga change de costume et de place au gré du temps qui passe et des lieux dans lesquels elle se déplace, de ses voyages, comme on suivrait ceux de l'auteur, d'une maison bourgeoise à une isba, comme nous suivons les états d'âme et la quête d'un idéal jamais satisfait de cette épouse de médecin, décrits à l'image des personnages de Flaubert, Balzac, Zola ou Maupassant, auteurs français classiques que Tchekhov appréciait au plus haut point.
Comment désapprouver cet intérêt pour le détail quand on connaît le principe dramaturgique de Tchekhov dit 'du fusil', dans lequel 'chaque détail, chaque élément, participe à la construction du récit, donne sens et contribue à l'histoire, est nécessaire et irremplaçable et ne peut de ce fait être retiré' ?
"Supprimez tout ce qui n'est pas pertinent dans l'histoire. Si dans le premier acte vous dites qu'il y a un fusil accroché au mur, alors il faut absolument qu'un coup de feu soit tiré avec au second ou au troisième acte. S'il n'est pas destiné à être utilisé, il n'a rien à faire là." (Anton Tchekhov)
Dans cet esprit, certaines choses pourraient-elles être délaissées, certaines parties de textes écartées, au risque de perdre en crédibilité et en sens, chose impensable à juste titre ?
Une belle et fidèle interprétation somme toute, pour un voyage dans ce pays dont l'image restera quoi qu'il en soit celle que je me suis faite enfant déjà, amoureuse d'une 'Petite Natacha' aux tresses et à la robe ornées de rubans colorés, buvant un thé bouillant versé d'un samovar dans une isba chaleureuse, une image qui me permet de retrouver le 'Tchekhov' que j'admire et dont je ne me lasserai jamais.
Merci à vous Anne Marlange, de nous faire revivre ce passé imagé.
Cath - L'Art de Cath
Du 6 au 30 Juillet à 15h40
au Théâtre de La Porte Saint-Michel
Durée 1h20
Interprètes / Intervenants
Mise en scène : Anne Marlange
Interprète(s) : Anne Marlange
Régisseur : Michel Penalver
Cie L'Aventurine
Attachée de presse : Dominique Lhotte
Ce spectacle sera repris à Paris à la Comédie Saint-Michel (5ème) du 6 janvier au 6 mai, tous les vendredis et samedis à 19h30.
A retrouver également en novembre à Montpellier, mais les dates exactes ne sont pas encore arrêtées. Elles seront communiquées dès qu'elles nous auront été indiquées.
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