A Chambord, tout est histoire de symboles ... et de salamandres !
28 Août 2021
FRANCE•
François 1er, symbolique et Renaissance...
1ère partie : une construction unique, idéalisée ... Utopie, ou pas ?
Petit rappel historique pour essayer de mieux comprendre ...
...2/2 ... 2nde partie
A Chambord, tout est histoire de symboles ...
et de salamandres !
Quand l’histoire façonne l'Élu
Après la guerre de cent ans, la population s'accroît et se rajeunit pour atteindre à Paris 250 000 âmes, à Lyon 30 à 40 000. L’espace manque, le bâti change, les châteaux ne sont plus des forteresses et s’embellissent tout en conservant un aspect médiéval.
L’immigration étrangère se développe à partir de 1480 du fait de la suppression du droit d’aubaine et de l’octroi de lettres de nationalité. Les immigrés italiens, essentiellement banquiers, artistes, savants, ... apportent un style nouveau et attrayant. Devient à la mode tout ce qui émane de la péninsule.
En parallèle, pointent les prémisses de l’humanisme et la pensée religieuse aspire à un renouveau.
Étonnamment, la paix, l’absence de rivalités avec les pays voisins (mésententes et désaccords ont été soldés), l’ardeur et la douceur de vivre font en partie germer l’idée de la première Guerre d’Italie à partir de 1490. A cela s’ajoutent la fascination, les rêves illusoires, les raisons fallacieuses (droits successoraux supposés), puis l’appel d'États italiens incapables de s’entendre entre eux. La prise non acceptée de Jérusalem par les Ottomans en 1453 (double couronne Naples/Jérusalem) fournit un prétexte de plus, s’il en fallait un.
Au pape Alexandre VI issu de la famille des Borgia, élu en 1492 et mort en février 1503, favorable à la royauté française, succède Jules II en novembre 1503. Sous son pontificat qui durera jusqu’à sa mort en février 1513, Jules II pose le 18 avril 1506 la première pierre de la basilique Saint-Pierre de Rome commencée par Bramante et qu'achèvera son successeur, Léon X. Grand amateur d’arts, véritable mécène, il protège Michel-Ange auquel il commande les grandes fresques de la Sixtine, fait venir à Rome de nombreux artistes. Il redessine la ville de Rome, faisant entrer son architecture et son urbanisme dans la modernité.
En 1494, le roi Charles VIII lance la première guerre d'Italie mais doit finalement battre en retraite. Il meurt à Amboise le 7 avril 1498 sans laisser d'héritier au trône.
Louis d’Orléans est choisi par les Etats Généraux pour lui succéder et devient Louis le XIIème. Après un premier mariage qui sera annulé, avec la fille de Louis XI (son tuteur à la mort de son père Charles d’Orléans), il épouse Anne de Bretagne, veuve du précédent roi et reprend les Guerres d’Italie à son compte. Il en totalise quatre jusqu’en 1513, année qui marque sa défaite et la fin de ses ambitions. (François 1er les reprendra en 1515, puis ce sera au tour d'Henri II, son second fils. Elles prendront définitivement fin en 1559 avec la Paix du Cateau-Cambrésis. Les guerres de religion débuteront 3 années plus tard.)
En France, à cette même époque (1513), Louis XII est malade, la reine Anne de Bretagne n’a pas mis au monde d’enfant mâle viable ; il n’y a pas de dauphin et elle est insupportée par la présence du jeune et brillant François d’Angoulême, héritier présomptif couvé par l’orgueil maternel de Louise de Savoie.
Anne de Bretagne meurt le 9 janvier 1514. Cette même année Louis XII se remarie avec Marie Tudor et meurt peu après, le 1er janvier 1515, sans avoir conçu d’enfant au cours de ce second mariage, au grand soulagement de Louise de Savoie. Ce même jour, François d’Angoulême, cousin et gendre de Louis XII, est sacré Roi de France sous le nom de François 1er.
Bon vivant, cultivé et brillant, François 1er, exceptionnellement grand pour l'époque (il mesurait pas moins de 1,98m), fasciné par le personnage d’Hercule, oriente le pouvoir vers l’absolutisme. Ses phrases clés sont : « Car tel est notre plaisir » et « Car ainsi nous plaît-il d’être fait ». Ce qui fera dire à l’Empereur Maximilien : « En quelque chose qu’il commande, il est obéi aussitôt comme l’homme l’est des bêtes ».
La Cour devient avec lui un instrument de règne. Véritable ville itinérante, elle peut compter jusqu’à 15 000 personnes. D’où la volonté de construire de nouveaux châteaux et d’en agrandir d’existants.
Quand une mère conçoit un roi par volonté divine
La princesse ducale → Louise de Savoie est née en 1476 de l'union de Philippe de Bresse avec Marguerite de Bourbon. Très jeune, à la mort de sa mère, elle est confiée à la cousine de celle-ci, Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et régente du royaume ; elle épouse Charles d’Orléans comte d’Angoulême en 1488. Elle a 12 ans.
A cette époque, devins et prophètes sont crus et respectés. → François de Paule réside au Château de Plessis-les-Tours où il décède le Vendredi Saint de l'année 1507 (il est canonisé par Léon X en 1519) ; consulté, il lui prédit un fils au destin grandiose. Dès lors, sa volonté de mettre au monde un héritier mâle est sans faille et porte ses fruits. De son union naissent deux enfants : Marguerite d’Angoulême, qui sera l'épouse d'Henri II et l'aïeule d’Henri IV, et François d’Angoulême ("François" dont le Saint protecteur était François d'Assises et signifiait "Français") de 2 ans son cadet et futur roi sous le nom de François 1er.
Veuve à 19 ans, d’une ambition dévorante, Louise de Savoie se consacre à l’éducation de ses enfants avec un unique objectif : préparer son fils, son « César bien aimé » à accéder au trône de France. Aussi reçoit-il dès son plus jeune âge l’éducation d'un prince.
Par ailleurs, elle anticipe sa venue au pouvoir en influant pour que soient nommés dans les plus hautes fonctions des hommes nouveaux, juristes et nobles d'épée, qui s’imposeront plus tard dans l’entourage du jeune roi et peupleront son Conseil et sa Cour.
A partir de 1498, François d’Angoulême devient l’héritier présomptif de la couronne. Pour sa mère convaincue qu’il est appelé à régner, son fils est l’élu de Dieu. Le couple royal n’ayant pas encore conçu de descendant mâle viable, elle suit les grossesses de la reine Anne avec anxiété ; un dauphin voit le jour en 1512 qui ne survivra pas, à son grand soulagement.
Anne de Bretagne / Louise de Savoie : deux mères ennemies, un enjeu pour déterminer l’avenir : la main de Claude de France, Duchesse de Bretagne, fille de Louis XII et d’Anne de Bretagne, union qui apporterait à François d'Angoulême des droits sur la royauté, ce que Louise de Savoie souhaite ardemment. La reine Anne n'a bien sûr aucune intention de satisfaire sa rivale. Aussi, le 22 septembre 1504, une promesse de mariage avec le futur Charles Quint est -elle conclue. Mais rien n'arrête un destin bien tracé ... La promesse d'union est rompue en 1506 à la demande des Etats Généraux de Tours en même temps qu'ils valident le rapprochement "de la Bretagne et de la Savoie". Pas de hasard, tout ce que Louise a mis en place durant toutes ces années la mène à la victoire : Claude de France est fiancée à François d’Angoulême.
C'est l’aboutissement d’une prophétie : son fils, assurément bien nommé "le César triomphant », son adulé, sera Roi de France et le premier d'une lignée ...
Quand signes et symboles affirment un destin ... "Chambord", toujours! ... Encore! ...
Tous les monuments construits, agrandis, modifiés "par" François Ier sont riches de symboles ; le Château de Chambord l'est tout particulièrement, à la gloire du Roi mais pas seulement. Le Dauphin, Louise de Savoie et même Louis XII y sont omniprésents. "Chambord" plus que tout autre en Val de Loire et ailleurs, est le symbole d'une dynastie, l'affirmation d'une nouvelle lignée initiée et légitimée en même temps par une mère ambitieuse .
La plupart des → signes utilisés pour composer blasons et décorations sculptés ou peints étaient déjà utilisés par Louise de Savoie. Il en va ainsi de la Concorde, la Prudence, la Corne d'Abondance, le Vol, les Ailes ou la Plume, la Cordelière Franciscaine à nœuds de Savoie ... D'autres signes et allégories ont été délibérément choisis par elle pour "construire" l'image de François 1er : →la Salamandre qui vient du grand-père, la Couronne de Charlemagne, la fleur de Lys, les monogramme "F" aux cordelières avec nœuds de Savoie entrelacés, le chiffre 8, qui enlace une croix à trois traverses, symbolise l'infini et donc l'éternité ... un symbole fort pour une nouvelle dynastie appelée à régner ...
Par ailleurs, la construction en elle-même n'est que symboles, ou presque :
- par sa tour centrale, l'ancien "donjon", dont la verticalité était un signe de puissance et de domination ;
- par son enceinte carrée (d'après Vitruve et Alberti, "le cercle et le carré sont les formes parfaites, les éléments de l'harmonie cosmique, et c'est à elles que doit recourir l'architecte quand il s'agit de célébrer le divin") ;
- par ses tours d'angles, coupoles, voûte aux caissons sculptés ... qui sont empruntés aux constructions religieuses italiennes, véritable intention du nouveau roi de sceller l'union de son Royaume avec l'Eglise ;
- par l'escalier monumental, "double vis" placée au centre de l'édifice pour en constituer l'axe, véritable "colonne vertébrale" du château s'élevant vers le Haut ;
- par la "petite cité céleste" en toiture, dont "les lanternes et les coupoles étaient peintes de bleu et d'or et surmontées d'épis de faîtage et de globes dorés" (les travaux qui viennent de débuter et dureront plusieurs année visent à restaurer cet aspect) ;
- par la présence cachée de Léonard de Vinci, grand architecte qui connaissait et utilisait les principes de la dynamique, du tourbillon, l'usage des "divines proportions" issues de l'œuvre de construction du monde par un "dieu-géomètre".
Le Château de Chambord est dans son ensemble une allégorie du royaume, le rêve d'un prince-architecte devenu roi sous tutelle d'une mère omniprésente.
Tels des symboles, nombre de graffitis se retrouvent aujourd'hui, gravés en d'autres temps sur les pierres. Jean de la Fontaine pourrait faire partie des ceux qui y ont imprimé la trace de leur passage, Victor Hugo aurait aussi accompli le geste. Ce dernier écrit ainsi dans une lettre :
"J’ai visité Chambord. Vous ne pouvez-vous figurer comme c’est singulièrement beau. Toutes les magies, toutes les poésies, toutes les folies même sont représentées dans l’admirable bizarrerie de ce palais de fées et de chevaliers. J’ai gravé mon nom sur le faîte de la plus haute tourelle."
Le temps passe, les temps changent, mais la volonté des Hommes de marquer l'Histoire de leur passage est bien toujours là!
Sources :
Hors-série L'Objet d'Art, Chambord 1519-2019 - L'Utopie à l'œuvre
Histoire de la France des origines à nos jours de Georges Duby chez Larousse
Sur ce long pan d'histoire, nous allons vous laisser le lire et vous retrouver fin Septembre pour continuer de nouvelles aventures en votre compagnie ! Le temps de laisser souffler Cath qui va nous mitonner de nouvelles idées pour nos prochains weekends à venir ...
Pendant ce temps là, moi je pars me ressourcer loin au soleil !
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