THÉATRE ○ Le temps du Off semble passer vite cette année ! Plus vite que d'habitude. Qu'est-ce qui a changé ? Évidemment, la période est modifiée, réduite en certains lieux comme à L'Oriflamme, qui a respecté ce que les Compagnies avaient voté, à savoir une édition d'à peine 3 semaines (18 jours exactement), allant du 3 au 21 juillet.
Mais aujourd’hui que le Festival franchit la seconde moitié, les rues sont à peine plus remplies de ses adeptes habituels, touristes de passage spectateurs potentiels, ceux et celles venus prendre leur dose de spectacles quasi-annuelle, artistes en tractage… et on ne ressent pas encore, ne retrouve pas la belle énergie relancée par l’édition de l’année dernière. Va t'elle enfin se réveiller ?
Heureusement, des salles se remplissent, des pièces font parler d’elles, des comédiens/comédiennes aussi, et c’est ainsi que l’on est amenés à découvrir de ‘belles choses’.
C'est sur la période de référence du Festival Off que Francoise Nahon joue Ita L. née Goldfeld à L‘Oriflamme. Vu en avant-première, ce seule en scène sur le sujet sensible du traitement de la population juive en France en 1942, m’a beaucoup touchée. Alors oui, direz-vous, encore ! On y revient encore ! Mais ne faudra-t-il pas que cela soit ‘toujours’ ?
Notre devoir de mémoire doit nous amener à ce que les événements historiques ne s’effacent pas comme des lettres tracées dans le sable, un graffiti sur un mur. Il nous dicte notre conduite pour les années, les décennies à venir. Et quoi de mieux que la culture comme outil à cette fin, pour ne pas tomber systématiquement dans le pathos mais simplement faire en sorte que cela ne se reproduise plus ?
L’actualité politique et électorale plus que jamais prouve ce que je dis.
Ita L. née Goltfeld, c’est cela. Une pièce d’une belle sensibilité, qui vient vous toucher au fond du cœur, vous titiller aussi bien sûr, vous heurter à un moment juste ce qu’il faut, parce qu’il le faut bien.
J’ai été profondément touchée par la profondeur qui s’en dégage, frappée par les jeux de lumières et surtout, les silences ! De mémoire de spectatrice, je ne pense pas avoir été autant marquée que cette fois-ci par l’intensité des silences. Généralement, les spectacles sont plutôt ‘bavards’, comme si les metteurs en scène avaient peur que les spectateurs s’ennuient. Ici au contraire, les silences qui s’étirent semblent parler plus encore qu’Ita elle-même, exprimer plus encore de choses que les mots.
J’ai ressenti l’envie d’en savoir plus, et rencontré Françoise Nahon afin de savoir exactement comment elle vivait et ressentait cette femme, dont époux et fils sont partis en déportation et qui sans doute, ne tardera pas à les suivre. A moins que … !
S'entretenir avec Françoise Nahon place des Châtaignes devant un café ou une boisson fraîche, c'est s'assurer un temps plaisant et calme au coeur de l'effervescence festivalière qui commence à bien se faire sentir et de la tension politique d'entre les 2 scrutins, d'une élection marquée par la montée en puissance des extrémismes.
Décidément, la programmation de sa pièce dans le cadre de ce Festival Off à L'Oriflamme ne pouvait pas mieux tomber.
Comédienne, également programmatrice et metteure en scène, elle s'exprime à ce sujet et définit son rôle :
"Cette montée des extrêmes est très révélatrice d'un manque de culture. Dans cette situation, l'empreinte du monde artistique a plus que jamais besoin d'être marquée. En son sein, nous avons tous une mission à accomplir, chacun d'entre nous à sa façon.
Pour ma part indépendamment de mon statut de comédienne, je suis directrice du Festival Femmes en scène' qui existe depuis 15 ans. Pluralité, mixité, créativité, sont parmi les valeurs fortes que l'on y défend et qui lui donnent son sens.
Il se tient à Nice annuellement en mars sur une dizaine de jours. Pour établir sa programmation, je vais chercher les spectacles un peu partout en France."
De Nice à Avignon ?
"Pour le Festival Off, c'est la comédienne qui s'est faite 'pêcher' à Nice par Patrick Zard, parti lui aussi en quête de spectacles pour sa programmation à L'Oriflamme... Je jouais Ita L. ; la pièce l'a conquis.
Le plus de L'Oriflamme pour une comédienne, c'est d'avoir à faire à des comédiens comme moi, tels Patrick Zard et Julien Cafaro. C'est un vrai plus de se savoir directement entourés et soutenus par d'autres professionnels du spectacle durant de tels évènements."
Pour en venir à Ita L. née Goldfeld
"Ita L., c'est l'histoire d'une famille à quelques mots près." De celle d'Éric Zanettacci, de sa grand-mère précisément. Le texte qu'il a écrit est repris intégralement à quelques mots près.
La pièce a déjà été jouée par l'actrice et metteuse en scène Hélène Vincent (Que la fête commence, Le sens de la fête ...) à Paris en 2013 au Théâtre du Petit St Martin.
"Mon metteur en scène Patrick Zeff-Samet a des points communs avec l'auteur ; sans parler de famille à ce niveau, on peut dire qu'il s'agit dans ce contexte d'une Vraie rencontre entre nous tous."
Sur les sujets abordés
"Dans le contexte de peur, de délation, de solidarité qu'est celui de la pièce, Ita nous donne une leçon de vie, face à ce qui peut sembler être un choix à faire mais s'avère être un faux-choix : disposer d'une heure pour agir/réagir en 1942, quand on est juive, seule (le mari a déjà été déporté, le fils ne donne plus signe de vie depuis peu), réfugiée dans l'appartement familial qui est 'chez elle' depuis son arrivée en France, ne peut pas représenter un dilemme pour elle, qui a accepté l'intégration, le civisme, que la religion ne soit pas pratiquée ..."
De la dramaturgie de la pièce
Françoise Nahon défend ardemment Ita dont le comportement peut être vu par beaucoup d'entre nous aujourd'hui comme l'aveu de faiblesses, alors qu'elle se montre simplement digne, sans plainte ni colère.
"Ita ne fait en aucun cas pitié. Pourtant le drame est bien là, en filigrane : dans le stylo offert par Salomon et qui n'aura pas servi, le petit verre qu'elle s'accorde, quand on la sent au bord des larmes mais qu'elle se ressaisit, dans les bruits, les jeux de lumière ...
Pas de sortie de scène, des silences bruyants ... Tout est là, si calmement mais en même temps si terriblement!
Une manière de rendre hommage aux 'petites femmes ', de rentrer dans la grande histoire par la petite histoire d'Ita.
Reste à espérer que les producteurs et le public répondront présents. Car l'intention est bien réelle de faire vivre la pièce longtemps."
au Festival d'Avignon
du 3 au 21 juillet 2024 à 17H30
Théâtre l'Oriflamme
Durée : 1h10
_____
Collectif Femmes en Scènes
Pièce de Éric Zanettacci
Mise en scène : Patrick Zeff-Samet
Comédienne : Françoise Nahon
Musique originale : Élisa Munoz
Scénographie : Tony Munoz
Création lumière : Thibault Caligaris
Affiche : Gabriel Martinez
INFORMATION :Propriété intellectuelle.Les idées, le concept, la mise en page, les textes & les photos sont protégés, vous pouvez partager en mentionnant l'adresse url du bloghttps://www.selectionsorties.net• Pour toutes demandes uniquement par mailselectionsorties@gmail.com
Théâtre l'Oriflamme ○ rue Portail Matheron ○ 84000 Avignon