Belles de scène

  FRANCE •

Le théâtre fascine à l'image et au degré de ce qu'il ose. Lâchez-lui la bride, laissez-lui le champ libre : l’ensemble des artistes qui y sont associés le rendront au centuple, en offrant le meilleur d'eux-mêmes aux spectateurs, sous toutes les formes possibles, quelle que soit l'époque investie.

Pour ces Belles de scène, cela va du dramatique au comique, parfois sous de faux airs de Commedia del Arte et de burlesque, en passant surtout par le baroque en matière d'illusions, d'émotions et de tonalités ...

Une richesse foisonnante sans exubérance, sous couvert de taffetas, rubans, perruques, poudre et jeux d'éventail, dans les tons chauds des lumières semblables à celles émises par les candélabres, chandelles et bougies, utilisés durant ce 17ème siècle anglais, turbulent sur tous les plans.

Six acteurs au jeu expressif, caractéristique de cette époque aristocratique passée sans transition de l’intolérance à une grande liberté, si ce n’est légèreté d’esprit, investissent les 2 scènes imbriquées des Gémeaux parisiens et d'un théâtre londonien d’un autre temps, jusque dans ses coulisses et même au-delà, pour mieux vous enchanter.

Mais richesse ne veut pas dire profusion, tout comme baroque n’est pas toujours synonyme d’exubérance. Ces Belles de scène sont d'une justesse admirable ; l'équilibre esthétique, l'harmonie des décors et des costumes sont parfaits.

On aime, que dis-je on adore ! ... les éléments utilisés pour le théâtre dans le théâtre, décors mobiles en trompe-l'œil faussement mais judicieusement animés. C'est bien pensé, très bien réalisé ; comédiens et comédiennes en usent de manières remarquables.

Je préciserai à peine le contexte de cette pièce pour laisser à chacun/chacune le plaisir de la découverte : le puritanisme exercé par Cromwell sous sa quasi-dictature a induit la fermeture des théâtres pendant 18 ans ; 1660 marque leur réouverture avec le retour d'exil de Charles II, roi d'Angleterre de 1660 à 1685. Les femmes restent toutefois comme cela était le cas avant son exil, bannies de la scène ; des comédiens dédiés les remplaçant alors admirablement.

Mais les femmes s'agitent, qui pour certaines d'entre elles bruleraient bien les planches, à commencer par Nell Gwynn, maîtresse du roi et Margaret Hughes. Cette dernière n’attend d’ailleurs pas l’édit du roi qui changera le cours de l’histoire du théâtre, en reprenant le rôle de Desdémone dans Othello dès le 8 décembre 1660.

Quand les choses changent, la douleur est profonde et la métamorphose difficile pour ces hommes au féminin, dont l’exercice de leur activité de comédien(ne) reposait uniquement sur cette transformation. Belles de scène n’est pas seulement une histoire de femmes ; c’est aussi une magnifique histoire de renouveau théâtral et de genres humains, d’amour et de conciliance, de don de soi.

J'ai pu voir Belles de scène à Paris en séance de rattrapage, après l’avoir manquée au cours des éditions 2022 et 2023 du Festival Off d'Avignon, au théâtre des Gémeaux. Sa diffusion depuis le 4 décembre dernier marque les premiers pas des Gémeaux parisiens, où elle restera à l'affiche jusqu'en mars 2025 au moins, plus si affinités.

Ancien théâtre de Ménilmontant codirigé par Nathalie Lucas et Serge Paumier, ces Gémeaux parisiens ont été inaugurés le 14 septembre 2024. Petit frère des Gémeaux d'Avignon, il devrait par la qualité et la richesse de sa programmation, devenir rapidement son jumeau.

Autre parallèle avec Avignon : la présence sur scène de Patrick Zard', co-directeur du théâtre de l'0riflamme avec Julien Cafaro, qui a repris dans Belles de scène avec talent, le rôle remarquable de Charles II. Responsable artistique de lieu, metteur en scène (Les enfants du diable de Clémence Baron présentée en 2024, attendue de nouveau en 2025 dans le cadre du Festival Off), comédien ... : l'éventail de ses talents impressionne.

Après avoir joué dans Naïs de Marcel Pagnol jusqu’en octobre 2024 au Lucernaire, dans une mise en scène de Thierry Harcourt, il est immanquable dans cette pièce captivante qui ne reviendra pas sur Avignon dans le cadre du Off 2025.

Vraiment, cette histoire particulière est une belle histoire et une leçon d'humilité touchante ; à faire connaître et à voir sans concession ni conditions.

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Une pièce vue le 29 décembre 2024  au théâtre des Gémeaux Parisiens (ancien théâtre de Ménilmontant), 15 rue du Retrait, 75020 Paris, proposée jusqu’au 16 mars 2025, du mercredi au samedi à 21h, dimanche à 17h.

Attention ! Certaines dates sont exclues : vérifiez au préalable sur le → Web

Ecriture : Jeffrey Hatcher

Mise en scène : Stéphane Cottin

Costumes : Chouchane Abello Tcherpachian

Avec
Patrick Chayriguès, Stéphane Cottin, Emma Gamet,
Vincent Heden, Sophie Tellier et Patrick Zard’

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