6 Juin 2023
FRANCE •
Elle voulait un texte littéraire avant toute chose ...
Quinze ans plus tard, ni l'œuvre choisie, ni la pièce, ni même Claire Ruppli, co-directrice du Théâtre des Vents avec Stéphane Roux et interprète de sa propre création, n'ont pris une ride.
L'autrice, * Sylvie Germain avait consenti à une adaptation pour le théâtre à partir de son livre paru en 1992. Il avait alors fallu choisir parmi les 12 chapitres correspondant à autant d'apparitions de La Pleurante. Un travail délicat mais récompensé par le succès au Théâtre des Halles, durant l'édition 2009 du Festival Off d'Avignon.
Aujourd'hui, Claire Ruppli reprend 'La Pleurante des rues de Prague' en vue du Off 2023, sans changements fondamentaux hormis quelques ajustements.
Dans la pièce qui vient d'être présentée en avant-première, mur de pierres, chaise parfois, pénombre et lumière avec quelques effets éventuels, chuchotements, sons, musique en sourdine, voix off dont on cherche la source tant elle semble présente, participent au décor et à l'ensemble ...
La diction parfaite, toute en nuances subtiles, m'interpelle : le verbe est recherché, étudié.
Je ressens chez l'interprète un attachement à ce texte très littéraire, voire philosophique si ce n'est religieux. Je le perçois comme une force vive mais sans débordement, juste une énergie continue et contenue, franchie lorsque le cygne apparaît ... Un moment intense, le seul où la comédienne s'élève dans la superbe de cet oiseau majestueux.
Vous craignez que cette pièce soit pesante? Vue sous un certain angle, elle l'est pour ceux et celles qui, chargés d'un passé douloureux, héritage ou vécu véhiculés en eux, se heurtent aux souvenirs des faits historiques tragiques remémorés. C'est un rappel à la mémoire collective, une sortie de l'oubli que Sylvie Germain provoque en différents témoignages liés aux apparitions de La Pleurante.
Malgré la noirceur du passé qui refait surface, je ressens quant à moi dans cette allégorie de la ville de Prague, 'solitaire plurielle et impersonnelle', une impression de légèreté, de fluidité, d'apesanteur. Rien de ce que je vois et perçois n'est matériel, réel, hormis le mur de pierres, la chaise et la tunique grossière que porte La Pleurante.
Tout est passé, souvenir, brume, obscurité, lumière, vie, mort et résurrection ... Il y a de la magie plutôt que de la tristesse.
Pour représenter ces notions impalpables avec autant de justesse, rendre perceptible cette immatérialité par le spectateur, la voix et la gestuelle me semblent bien être les moyens les plus subtiles susceptibles d'être utilisés. Ainsi, la transition entre la vie et la mort, la solitude, la compassion, l'abandon, la déconstruction et la reconstruction ... toutes ces notions inconsistantes, immatérielles, peuvent-elles prendre vie subtilement, entre les doigts et les lèvres, sous les pieds nus de Claire Ruppli.
Et nous ici, assis face à elle "en cet instant, vivants, bien vivants, ... éblouis, ... un instant, un merveilleux instant".
L'autrice :
* Après présentation d'un mémoire de maîtrise à la Sorbonne sur la notion d’ascèse dans la mystique chrétienne (Jean de la Croix et Thérèse d’Avila), Sylvie Germain connaît ses 1ers succès littéraires en France avant de partir enseigner à Prague, ville symbolique d'un passé chargé d'histoires, entre tradition (récits déambulatoires ), philosophie, spiritualité (textes mystiques), imaginaire, poésie ...
Elle en revient, fortement influencée par la Tchécoslovaquie, sa culture et sa littérature. Autres écrits, autres succès ...
Elle continue après son retour de développer les thèmes de l'errance, de l'oubli, dans une notion philosophique, spirituelle, mystique. ... Elle reçoit de nombreux éloges et prix.
Théâtre des vents
63 Rue Guillaume Puy
84000 AVIGNON
06 11 28 25 42
DIFFUSION 6 JUIN 2023
Théâtre des vents ○ 63 Rue Guillaume Puy ○ 84000 AVIGNON