14 Avril 2023
FRANCE •
« Des petits boulots » pour « les petites mains » : Rémi De Vos en a connu avant de devenir écrivain ! Aujourd'hui reconnu, en particulier pour ses pièces de théâtre (Jusqu’à ce que la mort nous sépare – 2002, adapté au théâtre en 2006/2007, une vingtaine de pièces éditées principalement chez Actes Sud-Papiers et traduites dans de nombreux pays étrangers), plusieurs de ses scénarios prennent en compte ces milieux dans lesquels il a un jour évolué. Celui de Beyrouth Hôtel, écrit en 1994 et mis en scène 2 ans plus tard, en est un.
Une réceptionniste d'hôtel voit arriver un jour à Beyrouth, au Liban, un voyageur, écrivain de pièces de théâtre tout juste débarqué d'avion en provenance de Paris, dans ce lieu qui lui a été indiqué : correct, pas cher ! lui a-t-on assuré. Il doit y retrouver un metteur en scène. Elle répond au profil et même plus encore, l’hôtel dans lequel arrive notre voyageur étant loin de la catégorie internationale. Tenu par sa famille, on ne fait qu’y « passer », a priori dans les deux sens du terme.
Personne n’y reste, personne ne s’y trouve d’ailleurs, hormis ce « théâtreux » parisien, écrivain sans succès, quelque peu paumé. En dehors de sa mission principale qui est celle d'accueillir, renseigner et encaisser ses clients, la réceptionniste assure des activités annexes, tel le service des boissons et le ménage. Le profil physique de la jeune femme est par contre tout à fait hors critères : maquillée, ongles vernis, tenue sexy et sensualité débordante, elle ne tarde pas à faire passer le message à ce parisien tombé du ciel : charmer fait aussi partie de son job.
Un jukebox distille d’une façon fantaisiste une musique orientale la plupart du temps, qui impulse la danse ou son arrêt forcé d’une manière étonnante.
Notre voyageur n’est pas de ce genre. Dans un début d’histoire sans paroles, on voit bien que le physique a voyagé mais que l’esprit n'a pas quitté Paris. Même si des mots sont enfin prononcés, ils alimentent plutôt les communications téléphoniques que la discussion avec la jeune femme entreprenante … Alors qu’elle cherche ses yeux, il fuit les siens. Notre voyageur fuit tout d’ailleurs : son pays, sa femme qui l’a quitté, ses échecs professionnels ... Et l’histoire aurait pu se poursuivre ainsi pendant longtemps, sans la belle persévérance de l'hôtesse.
Ainsi, rivée sur mon siège, j’attends : un changement d’attitude, des paroles plus profondes, un véritable échange, une action … Et peu à peu, le charme opère … Sur fond de musiques orientales, en gestes sensuels, forte de sa féminité, la standardiste s’approche, se rapproche. Un frisson … Il serait fou de résister à ce grand jeu de la séduction, notre voyageur désespéré, ainsi replié sur son égo d’homme délaissé. Fou ou complètement aveugle. Et pourtant ! …
Au-delà de sa valeur sentimentale, Beyrouth Hôtel, c’est aussi la rencontre entre deux nations, une histoire de géopolitique. C'est le Beyrouth d’aujourd’hui, d’hier et d’avant-hier … : la guerre, les attentats, le business plus ou moins honnête, l’aperçu d’un Liban en conflits depuis des années, où la vie s’est peu à peu reconstruite à partir d’événements tragiques qui s’y sont déroulés et s’y déroulent encore.
Ses jeunes habitants y naissent et y grandissent, cœurs prêts à aimer et à être aimés, corps prêts à se donner, des rêves et des idéaux plein la tête … avec pour les réaliser, des occasions à ne pas manquer, et le business, à tous les étages, au propre et au figuré (un bar de nuit est installé au rez-de-chaussée). Et puis vivre, par-dessus tout ; faire la fête, danser, ne pas se prendre la tête. Alors qu’en France, c’est l’opposé ou presque. Pas de guerre mais des tensions sociales à la pelle, des insatisfactions permanentes, des gens qui se dénigrent, se perdent à force de trop avoir et de ne plus rien voir de ce qu'ils ont.
Nathalie Comtat campe avec une belle énergie cette réceptionniste « nature », sans ambages mais avec force jeux de jambes, chaussées alternativement d’escarpins à talons hauts, rouge ou dorés. Elle se déplace sur ce plateau profond du Théâtre de l’Adresse, disparaît, réapparaît de derrière les grands rideaux noirs de la scène, tourne maintes fois le dos au public. Mais ce qui pourrait passer pour une maladresse fait sans aucun doute partie du jeu.
Le voyageur quant à lui, interprété par Olivier Douau (voir → Un Contrat - une pièce de Tonino Benacquista présentée à ce même théâtre durant la dernière édition du → Festival Off d’Avignon), joue toujours face au public, téléphone en mains pour des communications inutiles et vaines, même lorsqu'il s'adresse à elle. Un jeu en parallèle et en dos à dos, très bien construit, très bien mené.
Si ce n’était le tragique de la situation du Liban, on se demanderait presque si, entre nos 2 personnages, le plus heureux, ce n’est pas elle, avec ses espoirs qui la portent, l’aident à vivre, contre ses attentes à lui, désespérées. Lesquels porteront leurs fruits, lesquels seront vains ? Entre drame, sentimentalité et comédie, espérons que le féminin l'emporte.
Cath - L' Art de CATH
Deux avis valent mieux qu'un !
Il n'est guère évident de passer derrière Cath, surtout après un tel compte rendu vu à Avignon. Je vais essayer et tenter de vous livrer mes quelques impressions.
Après les bruits d'une bombe et de tirs qui résonnent encore dans la pénombre et une musique orientale la lumière s'allume, une jeune femme apparait avec gants et blouse de ménage.
Elle danse au rythme entendu et un homme arrive avec sa valise, elle l'accueille c'est la réceptionniste de l'Hôtel ou il va séjourner durant quelques jours.
C'est un auteur de théâtre parisien en pleine crise existentielle, qui vient à Beyrouth pour un rendez-vous. Cette femme va essayer par divers moyens de tisser un échange avec cet homme intellectuel coincé bougon, limite ours.
Le Juke Box sur scène va légèrement souffrir des coups de pieds de la réceptionniste en escarpins rouges ! Deux mondes vont s'affronter entre nos deux acteurs qui sont formidables, il faut bien l'avouer
Un climat s'instaure, la musique, les échanges, on comprend au fur et à mesure ce qu'il a fui et pourquoi.
Il y a un côté tellement attachant entre ces deux êtres que tout oppose. Elle prête à lui vendre ses charmes, lui résistant à toutes formes de provocation.
Un choc de deux cultures, diamétralement aux antipodes. Elle pour qui la ville de Paris représente une forme de liberté, avec le rêve de rencontrer un homme riche. Lui continuant d'attendre quelqu'un qui ne viendra pas.
Il ne sort pas de cet hôtel, la réceptionniste continue de tisser insidieusement une forme de relation avec ce client pas ordinaire.
Il y a un sentiment de Jet Lag « syndrome de désynchronisation lié au décalage horaire par voyages transméridiens aériens » dans le montage, le jeu, et l'ambiance. Comme si le monde dans lequel on vit actuellement s'arrêtait. C'est indescriptible cette sensation dûe à la prestation des deux comédiens que l'on peut saluer.
Ils sont actuellement à Paris jusqu'au 23 Mars 2022 au Théâtre du Gymnase, ensuite au Festival d' Avignon du 7 au 30 Juillet.
FRED
EDITION 2022
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Beyrouth Hôtel de Rémi De Vos
avec Nathalie Comtat et Olivier Douau
Mise en scène Olivier Douau
Création lumière François Alapetite • David Ripon
Décor Jean-Bernard Tessier et Monia Nabli
→ Compagnie du Nouveau Monde
Attachée de presse Dominique Lhotte
1ère DIFFUSION 11/07/2022 • Màj 14/04/2023