Elle fut mannequin, meneuse de Revue, chanteuse d'opérette, actrice, comédienne, muse, inspiratrice de scénarios et modèle pour des artistes célèbres ... Elle reste encore aujourd'hui le reflet d'un siècle d'histoire, née en 1898, morte en 1992, l'actrice la plus adulée sur la période allant d'avant 1930 à 1940 qui représente une grande partie de l'âge d'or du cinéma français.
C'est cette femme connue et reconnue, indépendante, libre, moderne bien que déjà d'un certain âge (elle a alors un peu plus de 70 ans), au parcours atypique, devenue aveugle par suite d’un glaucome, qui accueille avec sa gouaille et une certaine hargne le jeune journaliste venu l'interviewer sur un certain épisode de sa vie.
Léonie Maria Julia Bathiat, mieux connue sous celui d'Arletty, surnom donné à vie par un producteur de théâtre dans les années 1920, vit seule à Paris ; elle a imprimé fortement son époque de son empreinte de femme dite 'fatale' sur les 3 décennies qui encadrèrent la seconde guerre mondiale, de 1920 à 1950. L’hôtesse ici présente en est le reflet, stylée autant que son appartement semble l’être, turban dans les cheveux et tailleur blanc impeccable.
Il faut dire que la personnalité d'Arletty et les rôles en particulier qu'elle interpréta au cinéma et dans l'univers du spectacle en général, marquèrent largement les esprits, indépendamment de l'épisode condamnable de sa relation avec un officier SS durant le conflit, ce qu’il faut bien le constater, fut le cas également d’un certain nombre de célébrités, toutes obédiences artistiques et culturelles confondues.
Ce qui semble étonnant aujourd’hui, et la pièce vue ce dimanche 25 juin au Théâtre L’Oriflamme en est la démonstration, est qu’il reste à peu près d’elle moins ce qui la rendit célèbre en tant qu’actrice que son idylle condamnable et condamnée avec un occupant en temps de guerre.
Pourtant : “Le bon juge condamne le crime sans condamner le criminel.” (Sénèque).
Le jeune journaliste n’est ni juge ni partie ; il est surtout curieux mais aussi intéressé par cette femme atypique, hors norme, qui a bravé par amour ce qui pouvait être un interdit, l’a assumé, en a payé un certain prix. C’est pour cela qu’il vient en fait, et l’artiste peu à peu le comprend. Alors les comportements changent, les mots, les intonations s'adoucissent... Il en serait sûrement de même pour le regard si derrière ses lunettes, les yeux n'étaient pas vides.
Tout ce changement, ce qui se passe dans la tête, ne s'exprime pas mais se traduit de manière sublime dans le jeu de la comédienne.
Alors les lettres ! Oui, bien sûr, il y a les lettres d’amour, qui pleurent l’éloignement.
Elle avait 42 ans, lui en avait 32. Elle était la plus grande actrice française, lui était un commandant allemand de la Wehrmacht. Jusqu’en 1949, Arletty et Soehring se sont aimés d’un amour aussi dévorant qu’impossible, sans se soucier de l’opinion publique. Leur correspondance, toute aussi passionnée, a été rassemblée et éditée en novembre 2018. Bien avant qu’elle ne paraisse, c’est cette aventure qui attire le journaliste chez Arletty, au grand déplaisir de celle-ci.
Cet épisode amoureux lui valut les fougues de son public et une perte de sa popularité, retrouvée par la suite à un degré moindre cependant. Elle tourna toutefois encore des films qui font partie du registre cinématographique de base dans l’esprit des plus exigeants cinéphiles. Et longtemps après, et ce jusqu'à sa mort, peut-être même encore, un certain public a conservé de l’intérêt et une réelle affection pour sa personne.
C’est ce qui fait qu’en 2023, on vient encore à Arletty, en ce théâtre de l’Oriflamme où l’on est toujours si bien accueillis ! …
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DIFFUSION 15 JUILLET 2023
L’Oriflamme ○ 3-5, rue du portail Matheron ○ Avignon