Filles d'Ariane

À l'heure où l'évolution des modes de pensée et des mœurs, la libéralité au sens large, l'ouverture à de nouveaux modes d'expression, de communication, semble plus effrayer que plaire, je saisis chaque fois avec bonheur, la démarche vers une évolution de plus en plus contemporaine de jeunes auteur(e)s, metteur(e)s en scène et comédiens/comédiennes, et trouve cela fort plaisant, voire excitant.

Ainsi de Filles d'Ariane, une pièce vue en-avant-première ce week-end dernier à L'Oriflamme. Je pense bien connaître à présent l'intérêt que portent Patrick Zard et Julien Cafaro pour un certain art théâtral :  celui qui touche, émotionne, interpelle ou interroge ... Celui qui plaît à la plupart d'entre nous, spectateurs plus ou moins avertis. En matière de genre, c'est en règle générale plutôt construit que déstructuré, tragi-comique que drôle, romantique aussi,  même si l'humour trouve sa place avec finesse dans ce lieu où l'on se sent toujours bien.

J'ai pu constater depuis que je fréquente les théâtres, que lorsque l'on se sent bien en un endroit, un désagrément peut ne pas impacter l'idée que l'on s'en fait. La visibilité des spectateurs devant être améliorée d'ici le Off 2025, réjouissons nous en attendant de l'ambiance amicale qui règne à L'Oriflamme et de la programmation qui nous a été dévoilée il y a peu.

Ceci étant dit, revenons à la pièce en question, pour laquelle les spectateurs semblent avoir adhéré au genre, celui de la comédie dramatique contemporaine. Comment qualifier autrement l'histoire de cette jeune femme, à la recherche de ses origines, de sa filiation, par le biais des 2 hommes qui ont le plus marqué si ce n'est impacté la courte vie de sa mère, et donc la sienne ? 

 

L'ensemble se situe dans le milieu de la danse, et prend en compte la difficulté que l'être humain peut avoir à créer des liens. Au sein de cette recherche, un sujet d'actualité et d'importance, dérangeant plus ou moins, ou pas : la GPA (gestation pour autrui) et la PMA (procréation médicalement assistée). Ne vous méprenez pas. Si ces 2 sujets à la fois liés et distincts sont au centre de ce qui se passe sur scène, ce n'est pas sa seule richesse. Elle se trouve aussi dans la conception même de la pièce.

Je l'ai déjà exprimé, la contemporanéité, cette notion du présent au regard d'un passé révolu, s'avère en fait très impactante sur l'histoire. Elle est ici fort intéressante  à déceler et à analyser.

 

Le type de mise en scène adopté se fait remarquer : la rapidité et la fluidité des échanges entre les 2 comédiens, de leurs jeux, leur représentation de plusieurs personnages en plusieurs lieux et différentes époques, nécessitaient une technique de jeux et de lumières bien étudiée, plutôt poussée, précise et ajustée. De là à penser à Alexis Michalik, il n'y a qu'un pas que je me suis permise de franchir. 

J'en reviens au théâtre contemporain, qui à plusieurs décennies, voire siècles ou même millénaires d'un certain théâtre classique ou antique, définit un nouveau genre correspondant à ce qu'en attend le public d'aujourd'hui, sans bien  sûr le renier ni oublier ce qu'il a été et reste : un moyen visuel et auditif de présenter des situations, d'exprimer et de transmettre des sentiments, des émotions, en cherchant à capter le plus possible l'attention. Pour cela, il est impératif de suivre l'évolution de la vie et du mode de pensée des Hommes. 

 

Même si aujourd'hui comme avant, le texte théâtral est la plupart du temps issu d'un texte littéraire qui reste accessible en tant que tel (cf Michel Vinaver, dramaturge), une mise en scène plus classique sinon au moins traditionnelle, peut-elle vraiment faire encore écho aux problématiques de notre époque? Bien sûr, elle trouvera toujours son public. Sera t'il majoritaire? Je ne le pense pas. Nous avons évolué, nos attentes ont changé,  nos modes de pensée aussi, nos façons de recevoir et de capter les messages également, qui sont devenues plus visuelles que textuelles. 

 

Alors place à la jeunesse et à l'initiative! Heureux les Orphelins, pièce que je ne peux m'empêcher de relier à Filles d'Ariane, qui se jouait en ce même lieu durant le Festival Off en 2023, sa jeune Compagnie, ses jeunes comédiens, qui connaissent aujourd'hui un franc succès (ils seront au théâtre des Gémeaux cette année) sont là pour le démontrer. 

 

Pour la démarche engagée, le sujet abordé, la modernité de la mise en scène, le jeu multiple et complexe des comédiens, souhaitons à Filles d'Ariane,  Martin Kindermans, auteur et metteur en scène, Valentine Daruty et Thomas de Fouchécour, les 2 comédiens, leur Compagnie Le Petit Manteau Jaune (clin d'oeil au costume de Fleur), un succès semblable.